camp des déplacés de kitshanga, cc Esther Nsapu |
«Par semaine je peux avoir entre dix à quinze dollars mais je ne peux
pas dire à mes enfants comment j’ai eu cet argent. Surtout avec le plus âgé c’est
vraiment pénible pour lui » raconte FR une femme déplacé qui gagne son
pain quotidien grâce au plus vieux métier du monde.
Nous sommes à kitshanga, à
environ 90 kilomètre de la ville de Goma. Dans le camp de Mungote. ce camp est l'un des
dizaines des camps présent au Nord-Kivu depuis que la guerre qui déchire cette
province depuis 20 ans maintenant. Plusieurs villages ont été désertés suite à
l’insécurité récurrente. Et les camps des déplacés internes augmentent en
nombre pendant que la capacité d’intervention du programme alimentaire mondial (PAM)
se réduit chaque année.
Le PAM vient en aide seulement
aux plus vulnérables, les autres se débrouillent
Seulement au Nord-Kivu, cent quatre-vingt-neuf mille deux cent soixante-neuf
individus vivent dans les camps desdéplacés et le PAM ne peut plus
satisfaire tout le monde. «Avec toutes
les guerres et les catastrophes naturelles dans le monde, le budget du PAM en République démocratique du congo a été réduit et donc nous sommes obligés de
venir en aide seulement aux plus vulnérables. Les autres trouveront d’autres
moyens de survie » Explique Jacques Officier de communication du PAM
au Nord-Kivu.
Pour survivre, certaines femmes
font recours à la prostitution. Entre 10 à 15 dollars par semaine, elles
parviennent à nourrir leurs familles. FR est l’une d’entre elle. Agé de 37 ans,
elle est veuve avec 7 enfants qu’elle doit nourrir toute seule. C’est souvent
pendant la journée en l’absence de tous qu’elle reçoit ces ‘’invités’’. Après
avoir marchandé le prix qui varie entre 2000 franc congolais et 5 dollars
américains, ils passent à l’acte.
« Bien sûr, j’exige du cash avant pour qu’après je me rende au marché
chercher le haricot ou les patates pour mes enfants.c’est dur mais je n’ai pas
d’autres choix ». explique-t-elle le regard dans le vide.
Souvent ce sont les hommes
mariés qui se bousculent derrière la ‘’boutique’’ de FR. Elle peut avoir
jusqu’à 2 clients par jour. Ce sont des déplacés comme elle ou des habitants de
la cité de kitshanga. Ils viennent la trouver dans des ‘’huttes fantômes’’
(huttes non habités) pour l’acte.
Les jeunes filles se donnent
aussi à ce genre de pratique. A Quinze ans, UR est déjà mère célibataire. ‘’Je couche avec des hommes seulement quand
j’ai faim et que je ne peux pas avoir à manger. On me donne un biscuit, un beignet
ou un morceau de canne à sucre’’.
Les plus âgées se protègent des
IST mais les adolescentes non
En écoutant ces témoignages, je
me demande comment elles font pour se protéger. FR elle, prend toujours soin
d’utiliser le préservatif qu’elle demande au centre de santé de la cité. ‘’ Je demande aux médecins des préservatifs et
des pilules contraceptives. Je leur explique bien comment je gagne de l’argent,
ils m’encouragent à venir prendre ce dont j’ai besoin à l’hôpital’’.
Mais UR n’a jamais utilisé un
préservatif ou même une pilule contraceptive. D’ailleurs elle semble étonnée
quand je lui pose la question. ‘’ Je ne
me protège pas et j’aurai honte d’aller au centre de santé pour demander des
préservatifs. Je pourrais y croiser les gens qui me connaissent’’ dit-elle
en gardant le regard sur ses sandales.
Selon le Médecin Directeur du Centre de santé de référence du Communauté Baptiste au Centre de l’Afrique, Bernard Kakule, les jeunes filles ne se précipitent pas à sa porte pour
demander des préservatifs ou des conseils. ‘’ Je ne reçois que des femmes en âge adulte. A mon avis c’est parce que
les adolescentes ne sont pas au courant du danger qu’elles courent en couchant
avec n’importe qui sans protection.’’ Ajoute-t-il.
une femme déplacée de kitshanga, cc Feza Umande Alice |
Dans tous les cas, elles sont
nombreuses ces filles et femmes dans les camps des déplacés qui par nécessité
se sentent obligées malgré elles à se prostituer pour assurer la subsistance de
leur maisonnée ; mais il y a un prix
à payer : le discrédit : « C’est un travail discréditant. Les femmes
qui connaissent mon travail s’arrangent pour éloigner leurs maris de moi. Mais
le pire c’est quand mon fils de 16 ans se rend compte que pour manger sa mère
se prostitue. Il ne me regarde plus en face.
« C’est tellement pénible pour nous
tous. », me révèle Madame FR avant d’ajouter : « Tout ce que je souhaite de tout cœur ce que la paix revienne
dans mon village afin que j’y retourne et
gagne ma vie dans la dignité en cultivant
mon champ ».
Par Feza Umande Alice