mercredi 15 août 2018

Kinshasa, le phénomène poigné de main entre chauffeurs de taxi et policiers de circulation routière, tout le monde trouve son compte





Les agents de la police de circulation routière. cc congo actuel.com
Éviter à tout prix de se faire arrêter après violation du code de la route, puis être conduit au 
bureau de la police de circulation routière c’est  le quotidien  des chauffeurs de taxi de kinshasa. Dans cette situation c’est la loi du plus ‘’souple’’ qui est la meilleure.


« Il nous arrive de donner  de notre plein gré entre 500franc et 1000 franc au policier de circulation routière. Ceci pour que ce derniers ne nous embêtent pas pendant que nous travaillons »explique Shiko un chauffeur de taxi. Cette pratique pourtant informelle est devenue monnaie courante. Une façon d’obtenir  une protection de la part de leurs parrains en uniforme bleu. «  Ne pas donner de l’argent régulièrement est une déclaration de guerre aux policiers » renchérit  Christophe un autre chauffeur de taxi.
Corruption ou simple geste de générosité ? « Avec cette argent, ils peuvent acheter de l’eau fraiche ou un soda pour se désaltérer car le soleil est parfois accablant » ironise en souriant Christophe.

Une collaboration où chacun  trouve son  compte

« Il nous arrive d’avoir des problèmes de stationnement et dans ce cas nous avons besoin de l’aide des agents de la police de circulation routière. Car avec un tel problème, on peut payer jusqu’à 150 000 franc congolais mais si c’est un roulage à qui on a déjà ‘’serrer la main’’ il sera indulgent envers nous. On peu lui donner entre 10000 et 20000 franc ‘’d’amande’’. En plus après lui avoir donné cet argent, on continu de circuler. On gagne en temps   et en argent.» explique Shiko. Papiers en ordre ou pas, les chauffeurs sont obligés de serrer la main d’un  policier pour y glisser quelques billets de francs congolais, faute de quoi ils s’exposent à des représailles et tracasseries de tous genres.

Mais les chauffeurs sont de loin victime de l’opération ‘’taxe spéciale roulage’’. Selon un agent de la police de circulation routière affecté à kitambo Magasin, la plupart d’engins commis au transport en commun dans la ville de Kinshasa ne sont pas en ordre, soit sur le plan des documents, soit sur le plan technique. « C’est difficile d’arrêter un chauffeur qui est en ordre. Celui qui est dans ses droits ne cédera sûrement pas aux demandes des roulages. Les chauffeurs eux-mêmes ne se mettent pas en ordre avant de mettre leurs véhicules en circulation. Alors, les roulages ayant un esprit faible devant l’argent ne peuvent que profiter de la situation ».

Absence de ceinture de sécurité, rétroviseurs absents, bidon rempli de carburant et placé à côté des passagers tenant lieu de réservoir, fumée plus ou moins abondante à l’intérieur ou à l’extérieur du taxi sont là les quelques caractéristiques des bus et taxis à Kinshasa.

Les agents de la police routière réagissent

Plusieurs agents de la brigade routière refusent d’aborder le sujet pour, soi-disant, des raisons personnelles. Par ailleurs, l’un d’eux sous couvert d’anonymat, réfute maladroitement les accusations des chauffeurs : « Ce phénomène n’existe pas, en tout cas pas à ma connaissance. Nous nous postons à notre lieu de service pour vérifier les papiers et le permis de conduire ». 

Les autorités de Kinshasa résolues d’éradiquer ce mal

Face à cette situation quelques sanctions sont déjà tombées. Le 30 mars dernier, six policiers dont une femme ont été renvoyés définitivement de la police nationale congolaise. On les accusait de « tracasserie et extorsion » de biens de la population. L’un après l’autre, ils sont dépouillés de leur tenue et insignes. Un acte louable mais malheureusement rare.



Le cout de la corruption selon docteur en sciences économiques à l’Université de Kinshasa Batamba Balembu

Un exemple : l’activité de taxi

En effet, Batamba Balembu, dans une étude micro-économique, estime la perte résultant de la corruption de l’ordre de 8% des recettes journalières moyennes des conducteurs des taxis et taxi-bus, dans la capitale, Kinshasa, qui sont « obligés » de payer aux policiers de la route des sommes d’argent injustifiées. Ce qui représente plus de 60% du revenu moyen gagné par cette catégorie socio-professionnelle. L’auteur explique aussi que la pratique corruptive est notamment à la base d’un déséquilibre (embouteillage, contournement des itinéraires, etc.) sur le marché des transports en commun. Concrètement, 94% des enquêtés de Batamba Balembu sont de cet avis. 47% des conducteurs recourent au contournement des itinéraires infestés par les policiers racketeurs, 48% sectionnent carrément les trajets ordinaires en sous-trajets afin de ne pas réduire les profits (du fait du racket) et 5%majorent les tarifs des transports. Conséquence : l’accès au service public est compliqué.

Une perte pour l’État

Le même auteur poursuit, dans la même étude, sa quantification du coût de la corruption en République démocratique du Congo. Il pense que 55% en moyenne des recettes du Trésor échappent à cause de la fraude fiscale liée à la corruption. L’auteur écrit : « Les manques à gagner que le Trésor public subit annuellement s’évaluent à quelque 800 millions de dollars US. Ce qui représente environ 12% de la moyenne du PIB des dernières décennies.

Selon le rapport de 2017 sur l’indice de perception de la corruption dans le monde de  l’organisation Transparency international, la RDC occupe la 166ème place  sur les 183 pays évalués. Toujours selon ce rapport, le pays n’a pas fait des progrès dans la lutte contre la corruption. 
                   

                                                                                   Par Feza Umande Alice